DECISION DCC 16-161 DU 20 OCTOBRE 2016
26 Oct, 2016 | Par Administrateur | Rubrique : DossierLa Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 06 août 2015 enregistrée à son secrétariat le 17 août 2015 sous le numéro 1731/191/REC, par laquelle Monsieur Jean TOZE introduit un recours pour violation de ses droits humains ;
Saisie d’une autre requête du 21 septembre 2015 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1988, par laquelle le requérant apporte à la Cour un complément d’information ;
VU la Constitution du 11 décembre 1990 ;
VU la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
VU le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Madame Marcelline-C. GBEHA AFOUDA en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
CONTENU DU RECOURS
Considérant que dans sa première requête, le requérant expose :
« …Dans le souci de régler définitivement les problèmes de reconstitution de carrière des fonctionnaires de Police précédemment régis par différents textes, notamment l’ordonnance n°69-42/PR/MIS, le décret n° 69-300/PR/MIS du 02 décembre 1969 portant reconstitution de carrière et la loi n° 81-014 du 10 octobre 1981, le Gouvernement du Président Boni YAYI a pris le décret n° 2009-713 du 31 décembre 2009 portant modalités de règlement des problèmes de reconstitution de carrière de certains fonctionnaires de Police … A cet effet, une commission interministérielle a été mise sur pied par l’arrêté
interministériel n°149/MISPC/MEF/DC/SGM/SA du 07 septembre 2011.
La commission, dans le but de faire un travail exempt de reproches… a identifié, suivant les promotions, les bénéficiaires de cette reconstitution de carrière. Il s’agit des :
– fonctionnaires de Police recrutés en 1978 ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1980 ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1981 ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1983 ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1985 ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1991 dont je fais partie ;
– fonctionnaires de Police recrutés en 1993 ;
– fonctionnaires de Police dont les réclamations ont fait l’objet d’arrêts de la Cour suprême…
La reconstitution de carrière a été faite selon les promotions, les catégories et les modalités prévues par les textes applicables dans le strict respect des principes constitutionnels auxquels la haute juridiction est particulièrement attachée, notamment le principe de l’égalité devant la loi et l’un de ses corollaires comme le principe de l’égalité de traitement des fonctionnaires appartenant à la même catégorie, celui en vertu duquel la loi doit être la même pour tous dans son adoption, dans son application et ne doit contenir aucune discrimination injustifiée.
Au total, 1492 fonctionnaires de Police sont concernés par cette reconstitution de carrière qui aurait pu permettre à certains anciens fonctionnaires de Police des années 1991 et 1993 d’être rétablis rétroactivement dans les droits auxquels ils pouvaient prétendre en application des dispositions transitoires de la loi n° 93-010 du 20 août 1997 portant statut spécial des personnels de la Police nationale. Monsieur Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON, actuel Directeur général de la Police nationale (DGPN), ne fait pas partie de ceux qui ont droit à cette reconstitution de carrière dans la mesure où il était recruté comme élève gardien de la paix en 1995 (niveau BEPC) et n’a jamais été régi par la loi n°81-014 du 10 octobre 1981…
Malheureusement, les conclusions de ces travaux de reconstitution de carrière n’avaient pas été transmises à bonne date par les autorités de la Police au Gouvernement en vue de l’adoption des actes individuels relevant de la compétence du chef de l’État avant les nominations exceptionnelles intervenues en 2013 qui ont porté Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON à la tête de la direction générale de la Police nationale…
En sa qualité d’autorité de tutelle, le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, Benoît Assouan C. DEGLA, m’avait instruit de faire les diligences nécessaires pour l’introduction en Conseil des ministres desdits travaux… A cet égard, un comité technique interministériel a été mis sur pied par
l’arrêté n° 111/MISPC/DC/SGM/SA du 11 juin 2013 pour préparer la communication et les projets de décrets d’application des conclusions de la commission interministérielle mise sur pied en 2011. Les directions techniques de la DGPN étaient représentées et ont participé avec esprit de discipline, de loyauté et d’ouverture aux travaux. Seul le DGPN qui assurait la vice-présidence a brillé par son absence aux travaux, bien que les invitations lui aient été régulièrement transmises par messages portés ou téléphonés. C’était sans compter avec sa ruse, puisque après l’adoption des neuf décrets en Conseil des ministres… ce dernier est parvenu à faire bloquer le processus de leur signature et contreseing par les autorités compétentes au motif que les dix-sept (17) anciens contrôleurs du commerce et des prix, reversés à la Police nationale en 1991 au grade d’élèves-officiers de Police, n’avaient pas droit. » ;
Considérant qu’il poursuit : « …Profitant d’une rencontre avec le chef de l’État… j’ai évoqué la situation de blocage des conclusions des travaux de cette reconstitution de carrière. C’est alors que le chef de l’État a instruit à nouveau son ministre d’État chargé de l’Enseignement supérieur de reprendre le dossier en main. Par la suite, les conclusions des travaux de reconstitution de carrière ont été à nouveau introduites en Conseil des ministres et adoptées, il y a quelques mois. Le ministre chargé de la Sécurité publique, Dossou Simplice CODJO, a apposé son contreseing et le processus de signature des actes était en cours quand le remaniement du Gouvernement est intervenu le 18 juin 2015. Le Secrétaire général du Gouvernement a été obligé de reprendre le processus, après avoir corrigé le visa relatif à la formation du
nouveau Gouvernement. Le nouveau ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, Placide AZANDE, ayant reçu les projets de décrets dans la forme originelle, c’est-à-dire, conformément aux conclusions de la commission interministérielle et pluridisciplinaire mise sur pied en 2011, a directement soumis les projets d’actes individuels qui lui ont été transmis par le Secrétaire général du Gouvernement (SGG) à l’avis du DGPN, contrairement aux dispositions de l’article 30 du décret n°2012-429 du 06 novembre 2012 portant attributions, organisation et fonctionnement du Ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC) qui lui font obligation de soumettre les dossiers sensibles du département ministériel dont il a la charge à l’avis préalable du cabinet dont je suis le
directeur, avant leur signature. Comme on devrait s’y attendre, le DGPN est resté dans la même posture en s’opposant encore à la signature en l’état des projets de décret soumis au contreseing du MISPC, lesquels, pour ma part, étaient respectueux du principe de l’égalité des citoyens devant la loi consacré par l’article 26 de la Constitution… Le ministre, craignant certainement d’être désavoué à un niveau supérieur, a préféré la voie de la concertation et du dialogue avec le DGPN en me demandant de présider successivement deux séances élargies aux membres du Syndicat national de la Police (Synapolice-Bénin), à certains directeurs techniques de la DGPN et à quelques bénéficiaires de l’acte qui dérange Monsieur Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON… Sur les instructions du ministre,les discussions ont été poursuivies à la présidence de la République en présence de certains conseillers et du 2ème adjoint
du SGG pour aboutir à une solution imposée, c’est-à-dire, selon la volonté du DGPN et en méconnaissance des droits constitutionnellement garantis et protégés.
Avisé de ce que les neuf décrets relatifs à la reconstitution de carrière ont été signés et paraphés par toutes les autorités compétentes, j’ai pris, comme à l’accoutumée et selon la pratique administrative demeurée constante dans les rapports entre la Présidence de la République et les structures organiques
hiérarchiquement inférieures, des dispositions diligentes dénuées de toutes manœuvres frauduleuses pour les obtenir en temps réel. Après les avoir obtenus, j’en ai rendu compte au ministre chargé de la Sécurité et lui ai exprimé toute ma 5gratitude, surtout par rapport au décret n°2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police nationale en 1991 qui concerne, entre autres bénéficiaires, les dix-sept anciens officiers de Police recrutés en 1991 (anciens à Monsieur Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON) …dont la reconstitution de carrière met en partie fin à plus de vingt (20) ans de lutte revendicative, avant de lui dire que je prendrais, en vertu de mes compétences que j’exerce sous son autorité directe, les dispositions pour transmettre les neuf (9) décrets au DGPN par bordereau, y compris celui que ce dernier a toujours querellé depuis sa nomination à la tête de l’institution policière en vue de leur notification aux intéressés. Ce qu’il a fait en mettant les indications … » ; qu’il affirme : « Quelques jours plus tard, à la suite de parutions de certains écrits de journaux faisant état de ce qu’il serait en difficulté pour avoir occupé dans l’ordre de classement le neuvième rang dans la hiérarchie deshaut hauts gradés (contrôleur général de Police), le DGPN, accompagné de son adjoint, se sont rapprochés de moi au cabinet pour exprimer leurs inquiétudes face au décret n° 2015-414 du 20 juillet 2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la Police nationale en 1991 … Je leur ai répondu que ces actes sont l’expression de la volonté du chef de l’Etat. J’ai voulu les amener à la raison afin de leur faire comprendre que le seul acte querellé qui a été à l’origine du blocage inutile des conclusions des travaux de la reconstitution de carrière ne pose
aucun problème juridique, dans la mesure où les bénéficiaires ont effectivement droit au regard de la Constitution, des principes constitutionnels constamment affirmés par votre haute juridiction et de la loi, voire des modalités de reconstitution de carrière. Ces deux se sont rapprochés successivement du MISPC et dusecrétariat général du Gouvernement d’où j’ai eu, quelques jours après, des appels téléphoniques m’indiquant qu’il y a erreur dans l’édiction de l’un des actes, confirmant ainsi que le DGPN a poursuivi sa volonté de nuire aux intérêts d’une frange non négligeable de ses administrés qui, pourtant, le méritent … En effet, sur les dix-sept (17) bénéficiaires de l’acte querellé, à part mon collègue Moukaila IDRISSOU et moi qui occupions les positions respectives de 2ème et 1er rangs dans la hiérarchie, il ne fait aucun doute qu’il conteste les grades de ceux qui se retrouvent actuellement par la force des choses sous son commandement (n’ayant bénéficié d’aucune mesure de nomination exceptionnelle comme lui), mais dont l’acte de reconstitution de carrière est la preuve ou l’expression concrète des droits juridiquement reconnus de manière rétroactive… » ;
Considérant qu’il précise : « Pour mieux comprendre les circonstances dans lesquelles j’ai obtenu les différents actes de reconstitution de carrière injustement bloqués depuis plusieurs années, mon supérieur hiérarchique m’a adressé une demande d’explication à laquelle j’ai répondu. J’avais pensé que le contenu de ma réponse était suffisant pour l’éclairer sur mes motivations qui n’ont rien de frauduleux, mais m’ont plutôt valu une sanction de soixante (60) jours d’arrêts de rigueur dont les conséquences
sont graves, non seulement au plan psychologique, mais aussi au plan de ma carrière et des accusations diffamatoires parues dans certains journaux…au lendemain de mon arrestation que j’estime injustifiée, abusive et arbitraire. J’ai même appris que c’est cette situation qui a fait que je n’ai pas bénéficié, le 1er août dernier, de la nomination à titre exceptionnel par le chef de l’État au grade d’inspecteur général de brigade bien que j’aie le mérite au regard de mon parcours professionnel, de mon grade et de l’ancienneté de quatre (4) ans requise … par les dispositions de l’article 148 de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publique. Ce sont ces faits qui, à mon sens, violent les droits de l’Homme que j’aimerais … soumettre à l’examen et à la censure de la haute juridiction afin que force reste au respect de la Constitution » ;
Considérant qu’il développe : « …Sur la violation par le ministre
de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, Placide AZANDE, des dispositions de l’article 6 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP)… L’article 6 de la CADHP stipule que : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut
être arrêté ou détenu arbitrairement ». La décision de sanction de 60 jours d’arrêts de rigueur…est une décision privative de libertés, en l’occurrence, la liberté d’aller et de venir et ses corollaires, qui ne me paraît pas justifiée…pour plusieurs raisons…
En règle générale, en droit de la Fonction publique et tout particulièrement en droit de la Fonction publique policière, il existe une échelle de sanctions édictées par le législateur…en vue de limiter ou d’éviter les abus par les autorités administratives investies du pouvoir de sanctionner. De ce point de vue, au sens de l’article 6, la privation ou la restriction de liberté ne se justifie « que pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminées par la loi ». La question qui mérite d’être posée est celle de savoir si la sanction de soixante (60) jours d’arrêts de rigueur infligée dans la présente cause est justifiée, d’une part, quant à ses motifs, d’autre part, quant au respect des conditions préalablement déterminées par la loi. …Le motif de la sanction de 60 jours d’arrêts de rigueur selon le Ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC) est le suivant : » Pour avoir notifié sans mes
instructions préalables et sans m’avoir rendu compte de vos initiatives, au Directeur général de la Police nationale par le bordereau d’envoi n° 274/MISPC/DC/SP-C du 22 juillet 2015, un lot de décrets relatifs aux travaux de reconstitution de carrière des fonctionnaires de Police, frauduleusement obtenus′′.
La sanction de 60 jours d’arrêts de rigueur est très grave au regard des circonstances qui l’ont motivée et que j’ai largement expliquées dans ma réponse à la demande d’explication jointe au soutien du présent recours. Le motif allégué ne me paraît pas suffisant et en adéquation avec la sanction infligée au regard des explications fournies et du fait que :
– d’une part, aucune enquête n’a été diligentée pour déterminer avec exactitude la faute professionnelle commise ainsi que le niveau de responsabilité de chaque acteur de la chaîne d’application des actes administratifs émanant du Secrétariat général du Gouvernement (SGG). Pour ma part, les explications
fournies attestent de ma bonne foi et de la volonté de mettre fin à plusieurs années d’attente de ceux qui sont bénéficiaires de ladite reconstitution de carrière…
– d’autre part, le motif tiré de l’obtention frauduleuse ne me paraît pas justifié… L’obtention des décrets, y compris celui qui est à l’origine de la sanction et du contentieux qui en résulte, n’a rien de frauduleux…
En procédant tel qu’il a été fait, il ne fait l’ombre d’aucun doute qu’une telle sanction a été infligée dans la précipitation, sans aucun souci de respect des droits de l’Homme et que le ministre de l’Intérieur a méconnu plusieurs dispositions pertinentes de la Constitution… plus précisément, l’article 6 de la
CADHP aux termes duquel : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement »… L’article 6 de la CADHP exige que la privation ou la restriction de la liberté qui résulte de la sanction soit justifiée dans les conditions préalablement déterminées par la loi. Cette disposition doit être combinée avec l’article 15 de la Constitution qui fait du droit à la liberté un droit fondamental de l’individu…
En confiant les conditions préalables de sa détermination à la loi, le constituant béninois a voulu contrôler sa mise en œuvre en vue de limiter les abus ou les atteintes aux libertés que les autorités
investies du pouvoir de sanctionner peuvent être amenées à commettre dans l’exercice d’une telle mesure et garantir du même coup une adéquation de la sanction…aux faits qui l’ont motivée.
Or, en l’espèce, le MISPC s’est fondé sur la note de service n°753/DGPN/DAP du 02 août 1991 portant tableau des punitions pouvant être infligées par les différentes autorités hiérarchiques…pour le motif allégué, lequel à l’analyse ne constitue pas une faute de nature à justifier la sanction infligée.
Ensuite, une telle sanction n’est pas justifiée en droit dans la mesure où elle n’est pas adaptée au contexte actuel et aux valeurs de liberté, de sécurité et d’intégrité de la personne humaine qui font partie intégrante des droits de l’Homme sur lesquels est fondée la Constitution… ».
Considérant qu’il indique : « Sur la violation par le ministre Placide AZANDE des dispositions de l’article 9 point 1 du Pacte international relatif aux Droits civils et politiques (PIDCP) :
L’article 9 point 1 du PIDCP auquel le Bénin est partie impose des obligations aux autorités investies de la puissance publique… L’exercice de leurs compétences doit se faire dans le respect des obligations internationales relatives aux droits de l’Homme fondées sur les principes auxquels le peuple béninois
est attaché et réaffirmés dans le préambule de la Constitution … En effet, l’article 9 point 1 dudit Pacte précise que : « Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne.
Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire.
Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévue par la loi « . La loi n°2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité publique et assimilées précise, d’une part, en son article 67, la nature des sanctions qui peuvent être infligées selon une certaine gradation, d’autre part, en son
article 68, que les barèmes, les motifs, les autorités habilitées à
infliger les sanctions ainsi que les modalités d’application des
garanties et les règles particulières relatives au Conseil de
discipline sont définis par décret pris en Conseil des ministres. Il
s’ensuit que la sanction de 60 jours d’arrêts de rigueur qui m’est
infligée et tirée d’une note de service n° 753/DGPN/DAP du 22
août 1991 au lieu d’un décret comme l’exige la loi est arbitraire et
abusive… et viole les principes constitutionnels relatifs aux droits
de l’Homme.
…Il revient au juge constitutionnel saisi d’un tel contentieux
de déclarer que la note de service n° 753/DGPN/DAP du 02 août
1991 portant tableau des punitions pouvant être infligées par les
différentes autorités hiérarchiques est contraire à la Constitution
en ce qu’elle n’est pas conforme, d’une part, aux exigences de la
loi …, d’autre part, aux dispositions des articles 6 de la CADHP et
9 point 1 du PIDCP … » ;
Considérant qu’il ajoute : « …Violation de la Constitution par les
responsables des journaux « Fraternité », « Le Potentiel »,
« L’Évènement précis » et « le Clairon », pour atteinte injustifiée au
principe constitutionnel de la présomption d’innocence :
Au lendemain de mon arrestation arbitraire et abusive, ces
journaux ont titré sous les plumes respectives de :
– Angelo DOSSOUMOU du journal « Fraternité » : « Pour faux
et usage de faux et substitution de documents à signer par YAYI »,
le DC, Jean TOZE, mis aux arrêts de rigueur. Il écrit au bas de la
manchette de ce journal et après ce gros titre : 60 jours d’arrêts
de rigueur et une probable poursuite judiciaire par le Ministre de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC). C’est ce
à quoi le contrôleur général de Police et directeur de cabinet du
MISPC, Jean TOZE, fait face depuis hier. En effet, il lui est
reproché d’avoir substitué un document devant être signé par le
Président Boni YAYI au secrétariat général du Gouvernement en
lieu et place d’un autre déposé par le MISPC…et un manquement
à l’autorité du ministre de l’Intérieur qu’il a contourné pour avoir
copie d’un document confidentiel. En fait, il s’agit d’un document
relatif à la reconstitution de carrière des contrôleurs de prix ».
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Pareille information qui n’est qu’une contre-vérité prouve
que le rédacteur n’a pas fait un minimum d’enquête pour
comprendre les contours du dossier et les responsabilités
éventuelles qui peuvent être mises en cause et que je n’ai commis
aucun acte immoral susceptible de justifier une telle qualification
pénale…comme il l’a mentionné et écrit en gros titre. …A
supposer même que son affirmation soit vraie, je bénéficie, au
regard des principes constitutionnels, de la présomption
d’innocence jusqu’à ce que ma culpabilité ait été régulièrement
établie.
Le rédacteur écrit, sous le couvert d’une source qualifiée à
dessein d’externe, à la page 8 du journal « Le Potentiel » n° 788 du
vendredi 07 août 2015 : « Pour substitution de documents, faux et
usage de faux, Jean TOZE, DC/MISPC, mis aux arrêts de
rigueur ».
– Olivier ALLOCHEME écrit à la page 3 du journal
« l’Évènement précis » n°1481 du vendredi 07 août 2015 :
ministère de l’Intérieur, le directeur de cabinet arrêté. A
la fin de sa rédaction, on lit : « Pour l’heure, des poursuites
judiciaires pourraient être engagées contre sa personne pour faux
et usage de faux en écriture publique ».
– EI-Gafar BABALAWO de « Le Clairon », journal béninois
indépendant, n° 0461 du vendredi 07 août 2015, a écrit à la page
12 de ce journal : « La haine ayant atteint la matière grise de
l’individu, il a manifesté sa jalousie en allant faire usage de faux
au profit de certains de ses hommes. Cette attitude humiliante a
induit les autorités gouvernementales en erreur. Encore plus
grave, après la signature du faux document, les bénéficiaires ont
été en possession…de l’acte alors que le document devrait rester
confidentiel au ministère de l’Intérieur jusqu’à leur nomination en
Conseil des ministres »…
Ces écrits sensationnels et diffamatoires…visent d’autres
objectifs que ceux pour lesquels la presse est rendue libre… Ils
m’ont tous identifié, voire présenté, comme auteur de faux
et usage de faux en lieu et place d’une juridiction pénale… » ;
Considérant qu’il allègue : « La décision portant nomination aux
grades d’inspecteur général à la Police nationale, d’inspecteur
général des douanes, de conservateur général prise par le chef de
l’État … m’exclut de la liste des Inspecteurs généraux de Brigade
promus sur le fondement de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015
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portant statut spécial des personnels des forces de sécurité
publique et assimilées…publiquement lue à la place de l’Étoile
rouge à Cotonou par le secrétaire général du Gouvernement, le 1er
août 2015 …
Selon les dispositions de la loi, au niveau des fonctionnaires
des eaux, forêts et chasse, Article 225 : ′′Nul n’est proposable au
grade de Conservateur général s’il n’a servi au moins quatre (4)
ans effectifs dans le grade de Colonel′′ ; au niveau des
fonctionnaires des douanes, Article 188: ′′Nul n’est proposable au
grade d’Inspecteur général des douanes s’il n’a servi au moins
quatre (4) ans dans le grade d’Inspecteur de classe
exceptionnelle′′ ; au niveau des fonctionnaires de la Police
nationale, Article 148: ′′Nul n’est proposable au grade
d’Inspecteur général de brigade s’il n’a servi au moins quatre (4)
ans effectifs dans le grade de Contrôleur général de police′′.
Si au niveau des deux premières catégories des forces de
sécurité publique, à savoir, eaux, forêts et chasse, d’une part,
douanes, d’autre part, les informations reçues font état de ce que
ceux proposés remplissent les conditions fixées … par la loi en
ses articles 225 et 188, par contre, au niveau de la Police où j’ai
été proposé, j’ai été injustement évincé en violation de la même loi
qui fixe les mêmes conditions de quatre (4) ans que ne
remplissent pas mes deux jeunes collègues finalement retenus et
dont les noms ont été publiquement lus le 1er août dernier à la
place de l’Etoile rouge à la surprise générale.
En effet, conformément au décret n°2013-199 du 18 avril
2013 portant promotion au grade de Contrôleur général de Police
de quatre (4) officiers supérieurs de Police, les Commissaires
principaux de Police (CPP) dont les noms suivent ont été promus
à titre exceptionnel:
– pour compter du 1er janvier 2013, Commissaire principal
de Police Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON,
– pour compter du 1er avril 2013, Commissaire principal de
Police Ahofodji Nazaire HOUNONKPE.
Aux termes du décret n° 2015-414 du 20 juillet 2015
portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la
Police nationale en 1991, je suis nommé Contrôleur général de
Police (CGP) pour compter du 1er juillet 2011. A la lumière de tout
ce qui précède, au 1er août 2015, date de leur promotion au grade
d’Inspecteur général de Brigade, les CGP Louis Philippe Sessi
HOUNDEGNON précédemment nommé à titre exceptionnel à ce
grade par le décret n°2013-199 du 18 avril 2013 pour compter
12
du 1er janvier 2013 totalise une ancienneté de deux (2) ans six
mois, Ahofodji Nazaire HOUNONKPE, précédemment nommé à
titre exceptionnel à ce grade par le même décret pour compter du
1er avril 2013, totalise une ancienneté de deux (2) ans trois (3)
mois. Ils ne remplissent donc pas l’ancienneté de quatre (4) ans
requise au regard de la loi précitée, pour être promus à ce grade à
la date du 1er août 2015.
En revanche, entre le 1er juillet 2011 et le 1er août 2015, je
totalise une ancienneté de quatre (4) ans un (1) mois au moins
dans le grade de Contrôleur général de Police (CGP) aux termes
du décret n° 2015-414 du 20 juillet 2015. Il s’ensuit que je suis
victime d’une discrimination qui ne se justifie pas au regard des
dispositions de l’article 26 de la Constitution qui prône l’égalité
des citoyens devant la loi et de votre jurisprudence constante
selon laquelle ‘’ la notion d’égalité doit s’analyser comme étant un
principe général selon lequel la loi doit être la même pour tous
dans son adoption et dans son application et ne doit contenir
aucune discrimination injustifiée « …
Les compétences exceptionnelles que tient le chef de l’État
de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015 portant statut spécial des
personnels des forces de sécurité publique et assimilées en ce qui
concerne son pouvoir de nomination des officiers généraux
doivent être interprétées de manière très stricte, c’est-à-dire,
qu’elles doivent être exercées dans les conditions strictement
fixées par la loi. C’est ce qu’illustre parfaitement
l’expression latine « Exceptio est strictissimae interpretationis « .
Or, les deux CGP promus à la Police le 1er août 2015 au grade
d’Inspecteur général de Brigade ne remplissant pas la condition
d’ancienneté de quatre (4) ans exigée dans ce cadre par les
dispositions de l’article 148 de la loi, tout acte qui m’écarte sans
aucune justification, c’est-à-dire, pris en méconnaissance de
celles-ci et des principes constamment rappelés par votre
jurisprudence, est discriminatoire à mon égard…
En ce qui concerne les officiers généraux des autres
administrations remplissant comme moi, les mêmes conditions
d’ancienneté fixées par les statuts, je suis victime d’un traitement
discriminatoire, lequel au regard de la jurisprudence et de la
doctrine, est contraire à la Constitution…
En considérant le décret n° 2015-414 du 20 juillet 2015
portant reconstitution de carrière des fonctionnaires reversés à la
Police nationale en 1991 qui n’a pas été abrogé jusqu’au 1er août
2015, je totalise plus de quatre (4) ans dans le grade de
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Contrôleur général de Police pour avoir été précédemment nommé
dans ce grade le 1er juillet 2011 et dois prendre rang en qualité
d’Inspecteur général de Brigade pour compter du 1er août 2015
comme l’exige la loi. Messieurs Louis Philippe Sessi
HOUNDEGNON et Ahofodji Nazaire HOUNONKPE ne totalisant
pas les quatre ans requis par les dispositions précitées de la loi,
leur nomination au grade d’Inspecteur général de Brigade
intervenue dans ces conditions viole le principe de l’égalité des
citoyens devant la loi consacré par l’article 26 de la Constitution.
De ce point de vue, étant le seul Contrôleur général de Police
remplissant les conditions prévues par la loi, je suis victime d’une
discrimination injustifiée opérée en violation de la Constitution
que la haute juridiction constitutionnelle, en vertu de ses
compétences d’attribution, doit censurer en vue de mon
rétablissement dans mes droits par le chef de l’État.
Il résulte de toutes ces considérations que le décret de
nomination au grade d’Inspecteur général de Brigade des CGP
Louis Philippe Sessi HOUNDEGNON et Ahofodji Nazaire
HOUNONKPE pris dans les conditions ci-dessus décrites, c’est-à-
dire, en lieu et place du CGP Jean TOZE, est contraire à la
Constitution et à l’ensemble des normes à valeur
constitutionnelle articulées aux moyens, notamment l’article 3
alinéa 1er de la CADHP et l’article 26 du PIDCP. » ;
Considérant qu’il conclut : « Au regard de tout ce qui précède et
en vertu des dispositions des articles 3, 7 et suivants de la
Constitution relatifs aux droits et devoirs de la personne
humaine, 117 à 124 fixant les compétences rationae materiae de
la Cour constitutionnelle ainsi que celles des conventions et
textes faisant partie du bloc de constitutionnalité, qu’il plaise à la
haute juridiction de :
– déclarer contraires à la Constitution :
1) la décision de mise aux arrêts de rigueur de soixante (60)
jours prise injustement à mon encontre par le Ministre de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes (MISPC), ladite
décision étant arbitraire et abusive ;
2) la note de service n° 753/DGPN/DAP du 02 août 1991
portant tableau des punitions pouvant être infligées par les
différentes autorités hiérarchiques ;
14
3) les écrits diffamatoires parus dans les journaux mis en
cause et qui violent le principe constitutionnel de la présomption
d’innocence ;
– de dire et juger que:
1) Angelo DOSSOUMOU du journal « Fraternité » et son
directeur de publication,
2) le directeur de publication du quotidien béninois
d’informations générales et de publicité « Le Potentiel » n° 788 du
vendredi 07 août 2015,
3) Olivier ALLOCHEME, de « L’Évènement Précis »
n°1481 du vendredi 07 août 2015 et son directeur de publication,
4) El-Gafar BABALAWO de « Le Clairon », journal
béninois indépendant n°0461 du vendredi 07 août 2015 et son
directeur de publication, ont tous violé la Constitution,
5) tout acte administratif abrogatoire non encore notifié ou
publié que l’Administration pourrait être amenée à prendre par
esprit de vengeance ou de brimade, en violation des principes
constitutionnels sus-énumérés protecteurs des droits de la
personne humaine, est nul et non avenu conformément aux
dispositions de l’article 3 de la Constitution … » ;
Considérant que dans sa requête complémentaire du 21
septembre 2015, le requérant reprend les mêmes faits avec
quelques précisions et, en ajout, demande à la Cour de déclarer
contraires à la Constitution le décret n°2015-414 du 20 juillet
2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires
reversés à la Police nationale en 1991 avec mention » A substituer
à l’ancienne copie » et le décret n°2015-146 du 20 juillet 2015
portant nomination des officiers généraux des forces de sécurité
publique et assimilées ;
INSTRUCTION DU RECOURS
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée
par la Cour, le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et
des Cultes, Monsieur Placide AZANDE, écrit : «…Avant toute
démonstration, je voudrais partager…une réflexion célèbre de
15
Paul RICOEUR pour qui, ‘’ […] l’acte fondamental par lequel on
peut dire que la justice est fondée dans une société, c’est l’acte
par lequel la société enlève aux individus le droit et le pouvoir de
se faire justice eux-mêmes – l’acte par lequel la puissance
publique confisque pour elle-même ce pouvoir de dire et
d’appliquer le droit[…]′′. Et à PIERRE HEBRAUD d’ajouter que ′′Le
juge est la parole vivante du droit ‘’. C’est dire indirectement que
toute l’Administration de la Police est suspendue à la
jurisprudence de la haute juridiction pour refaire la discipline qui
y est défaite autour des questions de reconstitution de carrières.
En effet, les arrêts de rigueur infligés au requérant de
l’espèce sanctionnent une faute professionnelle grave, faute
constituée essentiellement par la violation des pouvoirs propres
de l’Administration de la Police (1). Contrairement aux
prétentions du requérant, il s’agit là d’une sanction
administrative justifiée (II) par la particularité des règles
applicables aux personnels de la Police régis par un statut
spécial.
I- La violation des pouvoirs propres de l’Administration
de la Police.
En l’espèce, la violation des pouvoirs propres de
l’Administration de la Police a été perpétrée par le requérant au
moyen d’une substitution d’action (A) et d’une notification
frauduleuse d’actes douteux (B).
A- La substitution d’action : S’il est vrai, comme l’écrit Alain
PLANTEY, que ‘’ le pouvoir hiérarchique est le ressort essentiel de
l’activité administrative’’ , s’il est vrai que cette règle est absolue
pour le bon fonctionnement de la Police qui obéit à une
organisation semblable à celle d’une armée de droite, s’il est vrai
que le pouvoir hiérarchique confère au supérieur ‘’ le pouvoir de
reformation ou de substitution d’action’’, il n’en demeure pas
moins vrai, comme prévient Victor SILVERA, que : ‘’ toutefois,
dans le cas où des compétences ont été attribuées formellement à
des fonctionnaires placés dans la hiérarchie, le supérieur se doit
le premier de les respecter’’.
A différentes reprises, le Conseil d’Etat a annulé des actes
par lesquels le supérieur a entendu se substituer à l’inférieur qui,
sur le fondement de textes précis, était seul qualifié pour agir…
Dans ces hypothèses de compétences propres de l’inférieur, le
supérieur ne peut pas troubler la répartition de compétences et
16
ne saurait, dès lors, se substituer à ce dernier […].
Mais, au mépris du principe des pouvoirs propres du
Directeur général de la Police nationale, le requérant, Directeur
de cabinet du ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et
des Cultes, a accompli des actes de substitution d’action que je
voudrais soumettre à l’appréciation des sages de la Cour.
En effet, malgré les efforts de l’Administration de la Police
pour corriger des injustices dans la gestion des carrières, certains
fonctionnaires, qui se sont sentis lésés, ont recouru à la justice.
La Cour suprême a rendu plusieurs arrêts à cet effet. Pour
corriger globalement ces lésions de carrière, le Gouvernement a
édicté le décret n° 2009-713 du 31 décembre 2009 fixant les
modalités de règlement de tous les problèmes de
reconstitution de carrière à la Police …
Par l’arrêté interministériel n°149/MISPC/MEF/DC/SGM/
SA/… du 07 septembre 2011…une commission interministérielle
chargée de l’exécution et de la mise en œuvre du décret n° 2009 –
713 a été créée, conjointement par les ministres de l’Intérieur et
des Finances. Par respect des pouvoirs propres du Directeur
général de la Police nationale, au titre de la gestion des
personnels de la Police, l’article 4 de l’arrêté interministériel
n°149 a disposé: ‘’ A l’issue des travaux, la commission est tenue
de déposer son rapport accompagné des avant-projets d’actes
subséquents ‘’. La ratio legis de cet article 4 est de permettre à la
Direction des Ressources humaines (DRH) de la Police, placée
sous la Direction générale de la Police nationale, de purger les
projets d’actes de reconstitution de carrière à soumettre à la
signature des différentes autorités investies de pouvoir de
nomination de tous vices et de toutes lésions, et ceci, pour éviter
de nouveaux contentieux. Cet article 4 tient son fondement des
articles 2 et 34 du décret n° 2008-817 portant attributions,
organisation et fonctionnement de la Direction générale de la
Police nationale … Ces deux articles 2 et 34 confèrent des
pouvoirs propres au Directeur général de la Police nationale dans
l’Administration de la Police et dans la gestion de la carrière des
fonctionnaires de Police » ;
Considérant qu’il poursuit : « Pour revenir aux faits concrets
reprochés par voie disciplinaire au requérant, il faut souligner
qu’il a été nommé, en 2013, dans les fonctions de Directeur de
cabinet du ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des
Cultes. Sa nomination fait suite au départ à la retraite de
17
l’ancienne équipe dirigeante de la Police. Pour avoir été le chef du
service des Etudes, de la Règlementation et de la Coopération
technique, service transformé en direction des Etudes, de la
Règlementation et du Contentieux avec le décret n° 2008-817,
pour avoir été le rapporteur de la commission interministérielle
chargée de la reconstitution de carrière (Commission
TOUDONOU), le tout nouveau Directeur de cabinet du ministre
de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes a estimé qu’il
est le seul fonctionnaire à même de comprendre et d’établir les
actes subséquents de reconstitution de carrière. C’est alors que
l’intéressé a soustrait le rapport de la commission
interministérielle TOUDONOU de même que les avant-projets
d’actes au contrôle de la Direction des Ressources humaines de la
Police et au Directeur général de la Police nationale, privant ainsi
toute l’Administration de la Police de l’exercice de ses pouvoirs
propres de gestion de carrière des personnels de la Police.
Pour faire plus clair, le requérant, en violation de l’arrêté
interministériel n°149 en son article 4, a fait créer un comité
technique ad’ hoc pour se substituer à la Direction générale de la
Police nationale. Il a fait établir, au mépris des textes statutaires
de la Police, des avant-projets d’actes.
Par l’arrêté n° 111/MISPC/DC/SGM/SA du 11 juin 2013
portant création d’un comité technique ad’ hoc suite aux travaux
de reconstitution de carrière des fonctionnaires de Police … la
répartition des compétences propres entre la Direction générale
de la Police nationale et le ministère de l’Intérieur, de la Sécurité
publique et des Cultes a été troublée, doublement.
Premièrement, comme l’avance Alain PLANTEY: ‘’ Certains
secteurs de l’Administration échappent, plus ou moins
totalement, au pouvoir hiérarchique des ministres ‘’. C’est le cas
typique de la carrière des fonctionnaires de Police qui relève
exclusivement de la compétence technique de la Direction des
Ressources humaines de la Direction générale de la Police
nationale. C’est dire que l’arrêté n°111 est un acte nul, voire
frauduleux, donc sans existence juridique.
Deuxièmement, le Directeur de cabinet du ministre de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes n’exerce aucun
pouvoir hiérarchique sur les services de la Direction générale de
la Police nationale. Il n’est pas inscrit dans la chaîne de
commandement de la Police. Il n’a pas qualité pour établir des
actes de gestion de carrière des fonctionnaires de Police. En
s’invitant à présider un comité ad’ hoc dont il est l’instigateur, il
18
s’est d’office substitué aux services techniques de la Direction des
Ressources humaines de la Direction générale de la Police
nationale. Pour défaut de compétence, les actes du comité ad’ hoc
sont nuls et non avenus. C’est d’ailleurs une situation que
Claude EMERI classe parmi ‘’ Les nullités tenant à l’auteur de la
décision’’, lorsqu’il fait comprendre que : ‘’ Sous cette rubrique,
on retient les cas dans lesquels l’autorité qui a pris la décision
n’était pas compétente pour ce faire ; en effet, lorsque le
législateur a donné dans telle hypothèse déterminée, c’est parce
qu’il la jugeait seule apte à prendre telle décision, en matière de
fonction publique, la compétence peut être appréciée comme une
garantie contre le spoil-system ‘’. En l’espèce, cette garantie a
cédé sous la poussée usurpatrice d’une illégalité voulue à
dessein.
Revenant aux faits, le comité ad’hoc créé sur fond
d’illégalité, sous la présidence du Directeur de cabinet du
ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes, a
fait établir des projets de décrets de nomination de fonctionnaires
de Police, qui, sans la collaboration ni le paraphe du Directeur
général de la Police nationale, ont été illégalement introduits en
Conseil des ministres. Il s’agit des projets de décrets de la
communication n°064/MISPC/DC/SGM/SP-C du 18 octobre
2013. Cette communication a été adoptée en Conseil des
ministres.
La Direction générale de la Police nationale a pu rattraper
cette erreur matérielle désirée par ce huis-clos administratif
grotesque, lors de la formalisation des actes au secrétariat
général du Gouvernement … Elle a soumis ses observations au
Gouvernement, sur le désordre que la formalisation des actes
introduits en Conseil des ministres, sans sa participation,
pourrait générer dans le commandement d’un groupe aussi
sensible que celui de la Police. Et, sous l’inspiration de Jean
RIVERO, le Gouvernement s’est rendu compte que : ‘’ Parfois, sur
l’illégalité initiale, des situations multiples, des intérêts légitimes
sont venus se greffer ; la restitution integrum équivaut alors à
poser des problèmes insolubles ; il faudrait, pour exécuter,
soulever un monde, léser de nombreux droits, créer un
désordre pire que le désordre initial : l’Administration ne s’y
hasarde pas’’. Pour résorber ce nouveau désordre amorcé
savamment par les travaux du comité ad’ hoc de l’arrêté n° 111,
le chef de l’Etat a créé une commission interministérielle présidée
par le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur et de la
19
Recherche scientifique (actuel vice-premier ministre) pour
réexaminer le dossier de reconstitution de carrière des
fonctionnaires de Police recrutés au cours de la période de 1978 à
1993 … » ;
Considérant qu’il fait observer : « Pendant plusieurs mois, les
ressources ont été mobilisées par la commission ABIOLA pour
démêler les anciens et les nouveaux écheveaux de la
reconstitution de carrière. Le rapport de la commission ABIOLA
… a été approuvé par le Conseil des ministres avec amendements
et recommandations dans les termes qui suivent: ‘’ Est autorisée
la prise d’actes subséquents pour rétablir tous les fonctionnaires
de Police concernés dans leurs droits et prérogatives’’.
‘’Il est recommandé au ministre d’Etat chargé de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, en lien
avec le ministre de l’Economie, des Finances et des Programmes
de Dénationalisation et le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité
publique et des Cultes en collaboration avec l’Administration de
la Police, d’arrêter les modalités de la mise en œuvre de la
décision’’ … En prescrivant ces instructions, en des termes aussi
clairs que précis, le Gouvernement a rétrocédé à l’Administration
de la Police ses pouvoirs propres, précédemment usurpés par le
requérant. Il est alors prescrit à la Direction générale de la Police
nationale de purger les projets d’actes subséquents de lésions ou
de vices anciens et nouveaux. Mais, cet objectif n’a pu être
atteint. Le Directeur de cabinet a écarté, de nouveau, la Direction
générale de la Police nationale en réintroduisant les actes
contestés, dans leur état querellé avant la création de la
commission ABIOLA, à la signature des membres du
Gouvernement et de son chef, établissant dès lors, son intention
de fraude réitérée.
B- De la fraude réitérée : En délaissant des actes porteurs
de lésions à la signature du Gouvernement dans un dossier de
reconstitution de carrière sujet à tant de polémiques, le requérant
a volontairement réitéré son intention de frauder, pour tordre le
cou aux principes de gestion de carrière des fonctionnaires de
Police.
En effet, au lendemain de mon installation dans mes toutes
nouvelles fonctions de ministre de l’Intérieur, de la Sécurité
publique et des Cultes, le Directeur général de la Police nationale,
verbalement, m’a rendu compte de ce que, contrairement aux
20
instructions contenues dans l’extrait du relevé n° 4 des 27 mai et
02 juin 2015, la Direction générale de la Police nationale n’est
toujours pas associée à la gestion du dossier de la reconstitution
de carrière des fonctionnaires de Police. Le plus grave, a-t-il
ajouté, c’est de façon unilatérale et secrète que le Directeur de
cabinet du ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des
Cultes a engagé la formalisation des décrets au secrétariat
général du Gouvernement. Le Directeur général de la Police
nationale a insisté sur le fait que le Directeur de cabinet n’a pas
compétence pour ce faire.
Effectivement, quelques heures après, il m’a été introduit,
pour requérir mon contreseing, les projets de décrets de
reconstitution de carrière. Le temps d’en prendre connaissance,
j’ai reçu, en dehors de l’équipe dirigeante de la Police nationale,
une forte délégation des anciens contrôleurs du commerce et des
prix reversés à la Police nationale en 1991. Cette délégation est
venue élever des contestations sur le dossier. Pour résoudre ce
dilemme de début de fonctions, j’ai créé un comité de crise
présidé par le Directeur de cabinet, le requérant de l’espèce, et
regroupant le Directeur général de la Police nationale, son
adjoint, les personnes concernées et les syndicalistes de la Police
nationale. J’ai ordonné à ce comité de reprendre le déroulement
de la carrière des anciens contrôleurs du commerce et des prix
sur le fondement des textes statutaires de la Police nationale. Par
deux fois, le comité a siégé … A l’issue de la délibération du
comité, le rapport des travaux qui m’avait été fait a relaté très
clairement qu’un compromis définitif est retenu sur la base d’un
consensus. Je vous fais tenir copie du rapport … Il est plus
expressif. J’ai instruit tous les membres de ce comité, sous la
conduite du Directeur de cabinet, d’avoir à se transporter,
ensemble, au secrétariat général du Gouvernement, pour y faire
consigner le tableau final du déroulement de la carrière retenu,
contradictoirement, au profit des dix-sept (17) anciens
contrôleurs du commerce et des prix reversés en 1991. Ce qui a
été fait. La mise en œuvre de ce consensus aurait pu suffire à
rétablir la discipline et la convivialité au sein de la Police
nationale.
Mais, forte a été la surprise de savoir que le requérant a
notifié, sans satisfaire à l’obligation de compte rendu à l’autorité
ministérielle, un lot de décrets relatifs à la reconstitution de
carrière des fonctionnaires de Police à la Direction générale de la
Police nationale. Et cette notification frauduleuse a été faite par
21
courrier officiel (bordereau d’envoi) référencé
n° 274/MISPC/DC/SP-C en date, à Cotonou, du 22 juillet 2015
… Par ce fait, le Directeur de cabinet a empêché le supérieur
hiérarchique d’exercer son contrôle qui tient compte non
seulement ‘’ des motifs, mais aussi pour des raisons de simple
opportunité ‘’, surtout dans un dossier qui divise et qui trouble le
fonctionnement de la Police. Si ce manquement à l’obligation de
compte rendu n’avait pas été commis, l’Administration
ministérielle aurait pu œuvrer à la correction d’éventuelles
erreurs matérielles. Interpellé sur l’origine desdits décrets, le
requérant peine encore à la révéler. La réponse à sa demande
d’explication en dit long.
En outre, tous les décrets notifiés par le requérant à
l’Administration de la Police nationale troublent profondément la
discipline et la cohésion de l’institution policière. Les tableaux de
déroulement de la carrière qui leur sont annexés ne répondent à
aucune norme statutaire … C’est là, encore, une preuve que la
Direction générale de la Police nationale n’a pas été associée pour
aider le Gouvernement, par le biais des services techniques de la
direction des Ressources humaines, à l’application la meilleure
de la règle de droit. Jean RIVERO n’avait-il pas bien opiné: ‘’La
règle de droit apparaît génératrice d’ordre plus que l’arbitraire du
despote, ou même celui du technocrate ; les docteurs de
l’efficience oublient trop souvent qu’il n’est pas d’efficience dans
le chaos et que le chaos commence là où la règle de droit venant
à manquer, chacun se laisse guider par les impulsions
dangereuses de son génie créateur’’ … C’est dire que le dossier de
la reconstitution de carrière, de par les agissements du
requérant, est resté encore tout entier, c’est dire qu’il est déjà
générateur de chaos. Pour ne trahir aucun secret
d’administration, mon Cabinet ministériel est sur le point de
devenir un greffe ou une boîte d’enregistrement d’une pluie
diluvienne de recours pour des lésions de reconstitution de
carrière.
Sur un registre plus simple, le requérant n’a pu encore
expliquer l’origine des actes notifiés à la Direction générale de la
Police nationale. A la date de sa correspondance
n° 0437/MISPC/SP-C du 29 juillet 2015 … le ministère de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes n’a reçu, du
secrétariat général du Gouvernement, aucun décret de
reconstitution de carrière. Par principe, le requérant, s’il était de
bonne foi, n’a pas le droit de notifier des actes administratifs qui
22
lui seraient parvenus par des voies non officielles. C’est, du
moins, ce qui ressort de ses explications. L’empressement du
requérant à notifier un ou des décrets portant des tableaux de
déroulement de carrière contestés est un indice grave et certain
de manquement aux obligations de l’article 35 de la Constitution
… qui dispose: ‘’ Les citoyens chargés d’une fonction publique ou
élus à une fonction politique ont le devoir de l’accomplir avec
conscience, compétence, probité, dévouement et loyauté dans
l’intérêt et le respect du bien commun’’. » ;
Considérant qu’il ajoute : « Est-il encore utile d’appeler
l’attention des Sages de la haute juridiction qu’au moins parmi
tous les décrets, le tableau du déroulement de la carrière des
anciens contrôleurs du commerce et des prix reversés à la Police
nationale en 1991, annexé au décret n°2015-414 du 20 juillet
2015 portant reconstitution de carrière des fonctionnaires
reversés à la Police nationale en 1991, a été établi par un comité
présidé par le requérant…? Et pourtant, le requérant a préféré
notifier à la Direction générale de la Police nationale, le tableau
dont la contestation a amené le chef de l’Etat à créer la
Commission François ABIOLA. S’il n’est pas, pour lui, une
véritable quadrature du cercle de prouver sa bonne foi, le faire lui
serait, à tout le moins, essayer de prendre la lune avec les dents.
En résumé, la sanction administrative infligée au requérant
procède de la répression d’une violation volontaire, lente et
continue, dans la durée, des pouvoirs propres ou des pouvoirs de
gestion des personnels de la Police nationale impartis, pour le
bon fonctionnement de la Police, à la Direction générale de la
Police nationale, par des lois et règlements précis. En
l’occurrence, il s’agit, entre autres, de la loi n°91-011 du 28 mars
1991 portant transfert des compétences relatives à
l’administration des personnels de la Police au Directeur général
de la Police nationale, de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015,
portant statut spécial des personnels des forces de sécurité
publique et assimilées …, du décret n° 2008-817 du 31 décembre
2008, portant attributions, organisation et fonctionnement de la
Direction générale de la Police nationale, de l’arrêté
interministériel n°149/MISPC/MEF/DC/SGM/SA du 07
septembre 2011 portant création d’une commission
interministérielle chargée de l’exécution et de la mise en œuvre
du décret n° 2009-713 du 31 décembre 2009 portant modalités
de règlement des problèmes de reconstitution de carrière de
23
certains fonctionnaires de Police suite à leurs réclamations et aux
arrêts de la Cour suprême. Ces textes précis accordent à la
Direction générale de la Police nationale une autonomie de
gestion ferme en ce qui concerne la carrière des fonctionnaires de
Police.
Cette sanction procède également de la répression du non-
respect des instructions contenues dans l’extrait du relevé n° 04
des décisions prises par le Conseil des ministres en ses séances
extraordinaires des mercredi 27 mai et mardi 02 juin 2015 et du
manquement aux obligations de l’article 35 de la Constitution …
Toute chose qui constitue un manquement au devoir
d’obéissance qui s’impose à l’inférieur hiérarchique vis-à-vis du
Gouvernement et vis-à-vis du ministre. » ;
Considérant qu’il indique : « Tous ces agissements recevant, en
la forme administrative, la qualification de faute lourde, il ne
serait pas superfétatoire de préciser qu’en raison des règles
particulières applicables aux personnels de la Police, la sanction
infligée au requérant est bien justifiée.
II- Une sanction administrative justifiée :
La sanction disciplinaire contestée par le requérant de
l’espèce est prononcée en application du droit disciplinaire
policier (A). Elle est l’expression d’un formel désaveu de l’autorité
ministérielle sur les nouvelles lésions de carrières (B) qui
découlent des agissements du requérant.
A- L’application du droit disciplinaire policier : En
écrivant, dans son Manuel élémentaire de droit administratif en
1936 que ‘’ Les peines disciplinaires ne sont jamais, si l’on
excepte certaines peines militaires, privatives de liberté ni
infamantes.’’, Marcel WALINE a, non seulement annoncé
l’autonomie du droit disciplinaire, mais distingué les sanctions
civiles des sanctions militaires. La déduction logique de la pensée
de WALINE est que les sanctions militaires peuvent se décliner
en des mesures privatives de liberté comme les arrêts simples ou
comme les arrêts de rigueur.
En effet, le Petit Robert, après avoir reconnu comme
synonymes les arrêts forcés et les arrêts de rigueur, en donne la
définition suivante: ‘’ sanction disciplinaire ‘’ (…) ‘’portant défense
de sortir d’un local spécial’’. Autrement dit, la notion d’arrêts de
rigueur consiste en une mesure privative de liberté assortie d’un
24
délai au cours duquel le puni est tenu de rester strictement dans
le local disciplinaire. Cette mesure privative de liberté ne saurait
être confondue ni avec la notion de la garde à vue de l’article 18
de la Constitution … ni avec la notion de détention préventive,
encore moins avec la notion d’emprisonnement. Les arrêts de
rigueur sont une mesure de discipline militaire. Comme l’écrivent
Thomas BOMBOIS et Diane DEOM: ‘’ On notera que les mesures
disciplinaires adoptées à l’encontre des détenus ou des militaires
peuvent, elles aussi, emporter une privation de liberté ou un
régime de privation plus contraignant sans qu’elle tombe sous le
coup de l’article’’ 18 de la Constitution.
Or, la Police nationale à laquelle appartient le requérant est
une institution organisée par les mêmes principes de hiérarchie,
de discipline et de fonctionnement qui servent de gouvernail à
l’Armée. L’article 3 de la loi n° 93-010 du 20 août 1997 portant
statut spécial des personnels de la Police nationale est, on ne
peut plus, explicite sur ce caractère singulier de l’organisation
policière. Cet article 3 dispose: ‘’La Police nationale est une force
paramilitaire’’… Le préfixe latin « para » du mot composé
paramilitaire est le synonyme du comparatif français « comme » ou
« pareille ». Paramilitaire signifie, ici, « comme » ou « pareille » à
l’Armée.
C’est fort de ce similaire organisationnel entre la Police et
l’Armée que le législateur a, à l’article 62 de la loi n° 93-010 du 4
août 2010, adopté un régime disciplinaire identique à celui des
Armées. L’article 62 de cette loi est libellé ainsi qu’il suit: ‘’ Les
sanctions disciplinaires applicables aux personnels de la Police
nationale sont : la réprimande, l’avertissement écrit, le blâme
avec inscription au dossier, l’arrêt simple, l’arrêt de rigueur, le
déplacement d’office, la radiation du tableau d’avancement, la
perte de grade, la mise en position de non activité pour une
période de trois à huit mois avec suppression partielle
ou totale du traitement’’.
La même gradation des sanctions disciplinaires est reprise
par les articles 67 et 68 de la loi n° 2015-20 du 19 juin 2015.
Cette loi, en introduisant deux degrés de sanctions, est plus
sévère que celle du 4 août 2010 en ajoutant les possibilités de
révocation ou de la mise à la retraite d’office. Les articles 69 et
suivants de la loi n° 2015-20 en disent long. En conséquence,
constituent une sanction disciplinaire bien fondée, les soixante
jours d’arrêts de rigueur appliqués au requérant de l’espèce.
25
De plus, les fonctionnaires de Police sont régis par un
statut particulier. Leurs punitions disciplinaires diffèrent
largement de celles qui frappent, en général, les autres agents de
la Fonction publique. La punition de l’espèce est prononcée
contre le requérant pour lui faire cesser ‘’ le caractère répété et la
gravité de fautes’’ ‘’ commises dans l’exercice’’ de ses fonctions. Le
comportement du requérant constitue une inconduite habituelle
dans ses fonctions de Directeur de cabinet du ministre de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes ; inconduite qui
a duré de 2013 à 2015 avec des dommages collatéraux et pour la
Police et pour ses fonctionnaires en service ou à la retraite.
Pendant environ trois (03) ans, le requérant qui n’est pas dans la
chaîne de commandement de la Police a usurpé les pouvoirs
propres de la Direction générale de la Police nationale.
Et, même s’il était dans la chaîne de commandement de la
Police, il aurait pu s’approprier les leçons de Marcel WALINE qui,
dans son manuel cité plus haut, a écrit: ‘’ Mais le supérieur ne
peut, en règle générale, se substituer à l’inférieur pour faire à sa
place les actes de ce dernier. ‘’ … C’est dire que le requérant n’a
aucune qualité pour faire les actes qu’il a faits, mais pourtant, il
s’est montré toujours réfractaire à toutes les tentatives de le
ramener à la raison administrative, à l’effet de respecter
l’autonomie de gestion de la Direction générale de la Police
nationale.
S’agissant de la compétence disciplinaire, son exercice relève
normalement de l’autorité hiérarchique ; avec un échelonnement
de quantum, allant du supérieur hiérarchique direct à l’autorité
investie du pouvoir de nomination. Le ministre de l’Intérieur, de
la Sécurité publique et des Cultes, étant le supérieur hiérarchique
du Directeur de cabinet requérant, fonctionnaire de Police, il est
habilité par les lois et règlements du droit disciplinaire policier à
lui infliger les soixante (60) jours d’arrêts de rigueur. De plus,
selon Alain PLANTEY, ‘’ En principe, l’appréciation de la gravité
de la faute par l’autorité hiérarchique est discrétionnaire, sauf
détournement de pouvoir … ou erreur naturelle’’, encore qu’ici, la
sanction la plus grave n’est pas celle prononcée. Enfin, le
requérant n’a pas l’appréciation de la faute disciplinaire. Cette
appréciation appartient au supérieur hiérarchique » ;
Considérant que le ministre explique : « Pour entrevoir la gravité
de la faute commise par le requérant, il suffit d’examiner les
nouvelles lésions de carrière (B) causées au préjudice des
26
fonctionnaires de Police par les agissements de celui-ci.
B- Les nouvelles lésions de carrière : Est-il encore besoin
de reprendre la pensée de RIVERO sur la règle de droit: ‘’ Le
propre de la règle, c’est de créer l’ordre; l’arbitraire qui dicte les
solutions d’espèce aboutit, quasi nécessairement, au chaos; la
règle, par sa générosité et son impersonnalité, est ordonnatrice ‘’.
La malveillance manifeste du requérant dans le traitement
unilatéral du dossier de reconstitution de la carrière des
fonctionnaires de Police a provoqué de nouvelles lésions. Pour
avoir écarté l’Administration de la Police du processus de la
reconstitution de carrière des fonctionnaires de la Police, les
agissements fautifs du requérant peuvent s’analyser tantôt en
faute par action, tantôt en faute par omission, tantôt en refus
volontaire d’appliquer les principes et règles de déroulement des
carrières, drainant une rivière qui charrie rien que l’arbitraire et
l’anarchie.
En effet, … les jeudi 15 et vendredi 16 octobre 2015,
Monsieur le Directeur général de la Police nationale a fait
examiner par un comité technique incluant la direction des
Ressources humaines de la Direction générale de la Police
nationale tous les décrets portant reconstitution de carrière… Les
neuf (09) décrets indûment introduits à la signature du chef de
l’Etat par le Cabinet à l’exclusion des services techniques de la
Direction des Ressources humaines de la Direction générale de la
Police nationale sont tout, sauf l’expression ou l’application du
droit statutaire policier : c’est le règne de l’arbitraire.
Les griefs faits à ces décrets sont présentés dans le rapport
de synthèse du comité des 15 et 16 octobre 2015 … Par les
agissements du requérant, l’Administration a servi à certains
fonctionnaires un traitement auquel ils n’ont pas droit. Ainsi, en
est-il des Inspecteurs divisionnaires de Police qui ont participé à
plusieurs concours professionnels sans succès. Le rapport
TOUDONOU a refusé toute reconstitution de carrière depuis la
date d’ouverture régulière et d’organisation annuelle desdits
concours en 2000, mais le requérant a octroyé, de façon
arbitraire, aux Inspecteurs divisionnaires, le grade de
commissaire de Police de deuxième classe à compter de l’année
2010. Ce faisant, les bénéficiaires de cette attribution illégale
arbitraire et fantaisiste de grade ont devancé d’autres
fonctionnaires qui ont eu le mérite de réussir aux concours
professionnels et de subir une formation régulière de commissaire
27
de Police à l’Ecole nationale supérieure de Police. Si ces
agissements ne sont pas corrigés, il y a des risques graves de
troubles de commandement dans un corps aussi discipliné que
celui de la Police.
En outre, il y a des lésions de carrière qui constituent une
faute par omission due aux agissements du requérant. Il s’agit
des fonctionnaires de Police en activité ou à la retraite oubliés ou
maltraités à l’occasion de la reconstitution usurpée. Le Cabinet
ministériel, n’ayant ni les données du personnel ni les états
signalétiques des effectifs concernés, a fait un travail hasardeux.
Ici, les oublis ou les lésions, qu’elles soient volontaires ou
involontaires, ont créé des dommages que le requérant doit
pouvoir assumer. Elles sont les litanies des vices de formes et de
fonds provoquées par le requérant…
En définitive, sans l’idée ni la posture d’un réquisitoire
contre le requérant, la faute qui lui est principalement reprochée
procède d’une malveillance volontaire d’usurper les pouvoirs
propres de la Direction générale de la Police nationale à qui les
lois et règlements ont confié des pouvoirs propres de gestion de la
carrière des fonctionnaires. L’alinéa 1er de l’article 5 de la loi
n° 2015-20 du 19 juin 2015 est précis à ce propos, parce qu’il
dispose que la Direction générale de la Police nationale ‘’ jouit
d’une autonomie de gestion’’.
De par ces agissements sus-évoqués, le requérant a usurpé
et exercé les pouvoirs propres de la Direction générale de la Police
nationale, à l’effet de troubler, gravement, le bon fonctionnement
de la Police. Ce qui constitue une violation grave de l’article 35 de
la Constitution … Tous les principes de droit qui constituent les
faisceaux de cet article 35 ont été purement et simplement
contournés par le requérant qui, loin de faire épanouir le droit, a
plutôt donné droit à ses impulsions.
C’est pourquoi, si l’Administration ministérielle devrait
former une demande reconventionnelle, elle demanderait aux
Sages de la Cour de juger et de décider qu’il y a, en l’espèce,
violation non seulement des pouvoirs propres de l’Administration
de la Police, mais surtout violation de l’article 35 de la
Constitution … Et partant du manque de loyauté du requérant
envers le Gouvernement, il serait utile que la jurisprudence de la
haute juridiction déclare non conformes à la Constitution tous les
actes introduits à la signature du Gouvernement pour défaut de
qualité et défaut de compétence du requérant, de juger et de dire
fondée la sanction prononcée par le supérieur hiérarchique en
28
l’espèce » ; qu’il affirme : « S’agissant de la nature et de la gravité
de la sanction disciplinaire contestée par le requérant,
l’Administration ministérielle voudrait solliciter des Sages de la
haute juridiction de juger et de décider que les sanctions
disciplinaires de nature militaire comportant des mesures
privatives de liberté ne sont pas identiques à celles évoquées à
l’article 18 de la Constitution … et de décider enfin, dans l’intérêt
de la discipline au sein de la corporation policière, que
l’appréciation de la gravité de la faute disciplinaire relève de la
compétence des autorités investies du pouvoir disciplinaire sous
le contrôle du juge.
L’autorité ministérielle pourrait-elle mieux faire d’inviter, à
l’occasion du présent litige, tous les fonctionnaires de Police,
abstraction faite des considérations de grade ou d’emploi, à
méditer, dans leurs activités quotidiennes, la pensée d’André
COMTE- SPONSVILLE : ‘’Etre responsable, c’est pouvoir et devoir
répondre de ses actes. C’est donc assumer le pouvoir qui est le
sien dans les échecs et accepter d’en supporter les
conséquences.’’ » ; qu’il demande à la Cour « de renvoyer, de par
sa jurisprudence, les supérieurs hiérarchiques de la Police aux
enseignements de François-Paul BENOIT dans son livre Le Droit
Administratif Français, publié aux éditions Dalloz en 1968 qui,
sur le pouvoir de substitution, a martelé: ‘’ La substitution initiale
du supérieur à l’inférieur, c’est-à-dire l’exercice direct par le
supérieur d’une compétence appartenant à l’inférieur, est
impossible. En aucun cas un supérieur hiérarchique ne peut faire
un acte juridique aux lieu et place de l’inférieur compétent alors
que celui- ci n’a pas lui-même pris de décision’’.
‘’ Le respect des règles de compétence est donc absolu. La
décision prise par le supérieur à la place de l’inférieur serait
entachée d’incompétence et annulable …‘’. Cette solution, dégagée
de l’espèce YASRI, par le Conseil d’Etat français le 28 octobre
1949, porte en elle-même le fondement de la sanction querellée
par le requérant… » ;
Considérant que pour sa part, en réponse à la mesure
d’instruction de la Cour, le directeur de publication du journal
« Fraternité », Monsieur Sulpice Oscar GBAGUIDI, écrit : « …Dans
la livraison du quotidien d’informations générales et d’analyses
Fraternité du 07 août 2015, il a été publié en manchette et signé
du journaliste Angelo DOSSOUMOU un article intitulé : ‘’Pour
faux et usage de faux et substitution de documents à signer
29
par YAYI Boni, le Directeur de cabinet Jean TOZE mis aux
arrêts de rigueur ‘’. L’auteur de l’article a précisé que le
contrôleur général de police Jean TOZE était gardé à la brigade
anti-criminalité de Cotonou pour une sanction disciplinaire de
soixante jours d’arrêts de rigueur à lui infligée par le ministre de
l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes. Et, depuis le 06
août dernier jusqu’à ce jour, l’ancien Directeur de cabinet du
ministère de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes
séjourne effectivement dans l’un des locaux de la BAC à Cotonou.
Jean TOZE est donc gardé à la BAC sur instructions de son
ministre de tutelle. C’est dire … que l‘information publiée n’est
pas fausse. C’est une évidence que Jean TOZE n’est plus libre de
ses mouvements, même s’il estime que les raisons de son
arrestation ne sont pas celles énumérées par le journal
Fraternité. Mais, il faut reconnaître que c’est suite à sa réponse à
une demande d’explication à lui adressée par le ministre Placide
AZANDE, relative aux documents substitués à signer par le chef
de l’Etat, qu’il a été interpellé.
… Fraternité a joué pleinement son rôle : informer. Les faits
sont sacrés et le commentaire est libre. Le fait majeur dans le cas
d’espèce est la mise aux arrêts de rigueur du DC Jean TOZE.
Fraternité a, en effet, juste relayé une information vraie. Refuser
d’informer le peuple aurait été une violation grave de l’article 9
alinéa 1 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples : ‘’ Toute personne a droit à l’information’’. Aussi, il est
important de rappeler que la Constitution … énonce clairement
en son article 24 que : ‘’ La liberté de la presse est reconnue et
garantie par l’Etat. Elle est protégée par la Haute Autorité de
l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) dans les conditions
fixées par la loi organique’’. De même, les articles 1er, 2 et 5 de la
loi organique n° 92-021 du 21 août 1992 relative à la Haute
Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC)
soutiennent que le journaliste doit informer le peuple de
tout ce qui se passe.
La publication ne porte en rien atteinte au droit à la
présomption d’innocence de M. Jean TOZE. L’article n’est pas
accusateur, mais plutôt informatif » ;
Considérant que le directeur de publication par intérim du
quotidien « L’Evénement précis », Monsieur Olivier ALLOCHEME,
quant à lui, écrit : ‘’ …L’article intitulé « Ministère de l’Intérieur :
Le Directeur de Cabinet arrêté », publié dans la parution du
30
quotidien … et déféré devant votre auguste institution par le
requérant qui sollicite que vous déclariez ledit article de presse
contraire à la Constitution…au prétexte qu’il porte atteinte à son
droit à la présomption d’innocence, est…un article informatif,
écrit conformément aux règles professionnelles prescrites par le
code de déontologie de la presse béninoise, notamment le principe
de recoupement de l’information.
En effet, à la nouvelle de la mise aux arrêts du Directeur de
cabinet du ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des
Cultes, Monsieur Jean TOZE, le journal ‘’ L’Evènement précis’’,
fidèle à ses principes de recoupement, de vérification et surtout
de précision de l’information avant sa diffusion, a pris contact
avec les services compétents du ministère de l’Intérieur, de la
Sécurité publique et des Cultes aux fins d’une vérification de
ladite information. La même démarche professionnelle a été
menée auprès des services compétents de la Police nationale.
Ces précautions ont d’ailleurs donné l’occasion à la
rédaction du journal ‘’L’Evénement précis’’ d’approfondir
l’information en sa possession et de meubler l’article sur les
mobiles de la sanction disciplinaire de soixante jours d’arrêts de
rigueur infligée par le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité
publique et des Cultes à son Directeur de cabinet.
Mieux, la rédaction du journal ‘’L’Evénement précis’’ a
effectivement pu constater dans la soirée du jeudi 06 août 2015
que le Directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, Monsieur
Jean TOZE, n’était pas présent à son poste de travail, parce qu’il
séjournerait, selon les informations recueillies sur place,
dans l’un des locaux de la brigade anti-criminalité à Cotonou, où
il serait gardé sur instructions de son ministre de tutelle dans
une affaire relative à l’exercice de ses fonctions.
Ainsi,…depuis cette date, le Directeur de cabinet du ministre
de l’Intérieur, Monsieur Jean TOZE, n’est pas libre de ses
mouvements, preuve irréfutable que l’information publiée dans
l’édition du vendredi 07 août 2015 du quotidien…n’est pas fausse
et n’a aucun caractère tendancieux ou diffamatoire, donc ne viole
aucun droit à la présomption d’innocence évoqué par le requérant
et que le recours déféré devant la haute juridiction n’est pas
fondé.
En effet, conformément aux dispositions de l’article 28 de la
loi n°2015- 07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et
de la communication en République du Bénin, il est clairement
indiqué que : ‘’Le journaliste a droit, sur toute l’étendue du
31
territoire national, à la sécurité de sa personne et de son matériel
de travail. En dehors des espaces et des objectifs légalement
protégés, il ne saurait lui être refusé le droit de filmer des
événements, de publier et de commenter des informations à
caractère public’’.
En l’espèce…le Directeur de cabinet exerce une fonction
publique. Publier des informations qui le concernent relève donc
du droit du journaliste. Mieux … informer l’opinion publique est
un droit reconnu à la presse par la loi n°2015-07 du 20 mars
2015 portant code de l’information et de la communication en
République du Bénin. Les dispositions de l’article 29 de ladite loi
en sont une preuve éloquente. Il y est clairement énoncé : ‘’Dans
l’exercice de son droit d’informer, le journaliste est astreint au
respect des lois et règlements de la République du Bénin et au
code d’éthique et de déontologie de la presse béninoise ‘’.
Au regard de ces deux dispositions, il apparaît évident …
que l’article incriminé repose bien sur des faits avérés, à caractère
public, sans commentaires tendancieux et que le but visé par la
rédaction est juste d’informer l’opinion publique, par un article
qui obéit aux lois et règlements de la République du Bénin et du
code d’éthique et de déontologie de la presse béninoise au sujet
d’une affaire dans laquelle le Directeur de cabinet du ministre de
l’Intérieur a écopé d’une sanction suite à une demande
d’explication à lui adressée par son autorité de tutelle, le ministre
Placide AZANDE. » ; qu’il poursuit : « …En publiant l’article déféré
devant la haute juridiction, le quotidien ′′L’Evénement précis′′,
dont vous connaissez sans doute la rigueur professionnelle, n’a
fait que satisfaire le droit du public d’être informé et exercer le
devoir du journaliste d’informer le peuple, conformément aux
prescriptions de la Charte africaine des droits de l’Homme et des
peuples qui stipule en son article 9 alinéa 1 que ‘’ Toute personne
a droit à l’information’’.
Mieux, l’article incriminé répond parfaitement aux
dispositions des articles 1er, 2 et 5 de la loi organique n°92-021
du 21 août 1992 relative à la Haute Autorité de l’Audiovisuel et
de la Communication (HAAC) qui prescrit au journaliste la
mission d’informer le peuple de tout ce qui se passe … La
Constitution … dont la haute juridiction est garante reconnait en
son article 24 que ‘’La liberté de la presse est reconnue et
garantie par l’Etat. Elle est protégée par la Haute Autorité de
l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) dans les conditions
fixées par la loi’’. A la lumière de ce qui précède, il apparaît…que
32
le recours objet de votre mesure d’instruction est un recours
fantaisiste et non fondé.
C’est pourquoi, nous sollicitons qu’il plaise à la haute
juridiction de juger non recevable le recours de Monsieur Jean
TOZE, le rejeter et déclarer conforme à la Constitution l’article
publié par le journal ‘’L’Evénement précis’’ afin de rendre justice à
la presse qui fait du respect des normes professionnelles son
principe de fonctionnement » ;
ANALYSE DU RECOURS
Considérant que le requérant demande à la haute juridiction de
déclarer contraires à la Constitution, d’une part, la sanction
disciplinaire qui lui a été infligée par son supérieur hiérarchique,
le ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et des Cultes,
parce que arbitraire et abusive, d’autre part, les écrits
diffamatoires parus dans les journaux et qui violent le principe
constitutionnel de la présomption d’innocence ;
Sur la sanction disciplinaire infligée au requérant
Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que cette
demande du requérant tend, en réalité, à faire apprécier par la
Cour les conditions d’application de la loi n°2015-20 du 19 juin
2015 portant statut spécial des personnels des forces de sécurité
publique et assimilées, notamment quant au régime de la
sanction et la promotion des agents de sécurité ; que
l’appréciation d’une telle demande relève d’un contrôle de
légalité ; que la Cour, juge de la constitutionnalité et non de la
légalité, ne saurait en connaître ; qu’en conséquence, il échet
pour elle de se déclarer incompétente de ce chef ;
Sur la violation du droit à la présomption d’innocence
par les organes de presse
Considérant que selon l’article 17 alinéa 1er de la Constitution :
« Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée
innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au
cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties
nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées » ; que la
33
présomption d’innocence est un principe selon lequel, en matière
pénale, toute personne poursuivie est considérée comme
innocente des faits qui lui sont reprochés tant qu’elle n’a pas été
déclarée coupable par une juridiction compétente ;
Considérant qu’en l’espèce, les organes de presse Fraternité, le
Potentiel, L’Evènement précis et le Clairon ont relayé dans leur
parution l’information relative à la mise aux arrêts de rigueur du
requérant, satisfaisant ainsi au droit à l’information du citoyen ;
Considérant cependant qu’il résulte de l’examen du dossier que
les affirmations faites ont été au-delà du simple devoir d’informer
le public ; qu’en effet, en écrivant que le directeur de cabinet Jean
TOZE a été mis aux arrêts « pour faux et usage de faux et de
substitution de documents… » , les journaux Fraternité, le
Potentiel, L’Evènement précis et le Clairon n’ont pas seulement
informé, mais ont donné aux faits reprochés au requérant une
qualification pénale alors même que le libellé de la punition
infligée par le ministre de l’Intérieur au requérant ne mentionne
aucune infraction pénale et qu’aucune juridiction compétente n’a
rendu une décision définitive le condamnant ; que ce faisant, ils
ont porté atteinte au principe de la présomption d’innocence tel
que prévu par l’article 17 alinéa 1er de la Constitution précité ;
qu’en conséquence, il y a lieu de dire et juger que les journalistes
des organes de presse Fraternité, le Potentiel, L’Evènement précis
et le Clairon, auteurs desdits écrits, ont violé la Constitution ;
D E C I D E :
Article 1er- La Cour est incompétente pour connaître du régime
de la sanction infligée à Monsieur Jean TOZE.
Article 2.- Les journalistes auteurs des écrits dans les journaux
Fraternité, le Potentiel, L’Evènement précis et le Clairon ont violé
la Constitution.
Article 3.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Jean
TOZE, à Messieurs les Directeurs de publication des organes de
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presse Fraternité, L’Evènement précis, le Potentiel et le Clairon et
publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt octobre deux mille seize,
Messieurs Zimé Yérima KORA-YAROU Vice-Président
Simplice Comlan DATO Membre
Bernard Dossou DEGBOE Membre
Mesdames Marcelline- C. GBEHA AFOUDA Membre
Lamatou NASSIROU Membre
Le Rapporteur, Le Président,
Marcelline-C. GBEHA AFOUDA.- Zimé Yérima KORA-YAROU.-